
LA POSITION DU QUÉBEC SUR LA MODERNISATION DE LA LOI SUR LES LANGUES OFFICIELLES DU CANADA
Les orientations du gouvernement du Québec pour la modernisation de la LLO visent à :
- Formaliser une approche différenciée envers les langues officielles du Canada au sein de la LLO ;
- Faire primer la Charte de la langue française en cas de conflits avec la LLO ;
- Rendre non contraignantes les clauses linguistiques protégeant les ressources fédérales transférées pour le soutien aux langues officielles du Canada ; et
- Accorder la compétence exclusive au Québec en matière de droits linguistiques sur son territoire.
L’approche du gouvernement du Québec met en lumière une mécompréhension fondamentale de l’histoire, de l’objectif et de la mise œuvre de la LLO. Contrairement à l’approche du Québec, la LLO :
- Respecte la langue française au Québec. Aucune étude en sciences sociales ni preuve empirique ne suggère que les circonstances limitées où la législation requiert d’offrir des services en anglais au Québec ou permet aux employés fédéraux de travailler en anglais constituent une menace pour la langue française au Québec.
- Respecte le champ de compétences provincial. Le Gouvernement du Québec ne présente aucune preuve du contraire et n’a jamais contesté l’application de la LLO devant les tribunaux.
- Ne crée aucun obstacle au droit de travailler en français au Québec.
L’égalité réelle qu’accorde la LLO requiert que la loi soit appliquée de manière à prendre en compte la situation véritable de chacune des communautés minoritaires de langue officielle. La FCFA et QCGN sont favorables à cette approche.
L’approche du Québec est problématique du point de vue constitutionnel ; elle nécessite la réouverture de la Constitution.
En visant à élargir le champ des compétences législatives du Québec, cette approche porte atteinte au partage des compétences établi par la Loi constitutionnelle de 1867 et ignore la structure fédérale du Canada. Elle fait également fi du fait que le Parlement du Canada ne peut porter atteinte à l’égalité de statut et d’usage de l’anglais et du français au Québec dans les domaines de compétence fédérale.
L’approche du Québec constitue une menace importante aux droits relatifs aux langues officielles de tous les Canadiens et Canadiennes, Francophones et Anglophones. En effet, si la LLO est façonnée de manière à permettre une application différenciée au Québec, rien n’empêcherait aux autres provinces et territoires de demander des dispositions semblables, ce qui ouvrirait la porte à la mise en place de plusieurs régimes distincts par province ou territoire. Les communautés francophones hors Québec devraient y porter une attention particulière.
LA LOI SUR LES LANGUES OFFICIELLES
La Loi sur les langues officielles du Canada, qui a célébré ses 50 ans en 2020, est la seule loi sur les droits linguistiques qui protège les intérêts des Québécois anglophones en tant que communauté. Elle établit des droits quasi constitutionnels pour les Québécois anglophones, notamment le droit de profiter d’un accès en anglais aux services fédéraux, le droit de représentation des anglophones au sein du gouvernement du Canada et le droit de travailler en anglais dans la fonction publique fédérale.
La Loi supporte aussi le développement des communautés linguistiques minoritaires anglophones et francophones et elle promeut l’égalité du statut et de l’usage de l’anglais et du français. De plus, elle fournit le cadre pour le soutien financier dont ont tant besoin les institutions et les réseaux de la communauté et ce, dans des domaines variés tels que l’éducation, l’immigration, la justice et la santé.
Du point de vue du Québec anglophone, la Loi modernisée doit posséder les caractéristiques clés suivantes :
- Le principe directeur de la Loi actuelle doit demeurer intact : l’égalité du statut de l’anglais et du français. Il ne peut y avoir un statut distinct ou une approche séparée pour chaque langue, et l’égalité de statut doit être garantie catégoriquement dans toutes les institutions assujetties à la Loi partout au Canada.
- Deux concepts clés additionnels doivent guider la Loi :
- Égalité réelle : Dans sa mise en œuvre, la Loi doit permettre une adaptation aux contextes et aux besoins particuliers des différentes communautés de langue officielle en situation minoritaire.
- Capacité, consultation et représentation : La Loi doit prévoir un processus solide de consultation obligatoire doté de ressources suffisantes à tous les niveaux, y compris un mécanisme officiel de consultation au niveau national.
En outre, la Loi modernisée devrait :
Garantir l’équité pour les services, la langue de travail et la participation à la fonction publique
- Viser la cohérence entre les parties IV (services), V (langue de travail) et VI (participation);
- Reformuler la partie VI de façon à ce que les anglophones soient représentés équitablement dans les institutions fédérales du Québec;
- Voir à ce que les services offerts dans les deux langues soient sensiblement de la même qualité;
- Mettre à jour et élargir les obligations en matière de langue de travail;
- Assurer l’administration de la justice dans les deux langues officielles (l’exemption en matière de bilinguisme pour les juges de la Cour suprême du Canada doit être éliminée);
- Examiner la possibilité d’étendre l’application des parties IV, V et VI de la Loi à toutes les entreprises privées de compétence fédérale.
Favoriser l’épanouissement des communautés linguistiques minoritaires
- Fournir des définitions claires pour les termes « mesures positives », « favoriser l’épanouissement » et « appuyer le développement » en lien avec les communautés de langue officielle en situation minoritaire;
- Clarifier la hiérarchie des responsabilités pour les obligations énoncées dans la partie VII;
- Exiger des règlements pour mettre en œuvre la partie VII;
- Inclure des mécanismes de transparence rigoureux dans la Loi pour rendre compte des investissements en matière de langues officielles;
- Créer des obligations en matière de langues officielles pour toutes les activités financées par des ressources fédérales;
- Exiger que tous les accords fédéraux-provinciaux-territoriaux soient établis dans les deux langues officielles, les deux versions ayant le même poids.
Assurer une mise en œuvre efficace
- Responsabilité centrale pour l’application de l’ensemble de la Loi;
- Processus solide de consultation obligatoire avec les communautés de langue officielle en situation minoritaire, y compris une obligation claire de consulter, une définition de « consultation », un devoir de fournir des ressources et de renforcer les capacités pour permettre les consultations, la mise sur pied d’un conseil consultatif national officiel et une déclaration selon laquelle la composition des comités parlementaires sur les langues officielles doit être représentative des communautés de langue officielle en situation minoritaire;
- Rôle accru et ciblé du commissaire;
- Tribunal administratif doté d’un pouvoir de sanction;
- Examen périodique régulier de la Loi et du Règlement sur les langues officielles.
« La Loi sur les langues officielles est une réponse législative importante à l’obligation imposée par la Constitution canadienne en matière de bilinguisme au Canada. Son préambule fait expressément référence aux obligations linguistiques prévues par la Constitution. Il rappelle le statut d’égalité quant à l’usage du français et de l’anglais dans les institutions du Parlement et du gouvernement du Canada de même que l’universalité d’accès dans ces deux langues au Parlement et à ses lois ainsi qu’aux tribunaux. De plus, le préambule mentionne que la Constitution offre des garanties quant au droit du public d’utiliser le français et l’anglais dans leurs communications avec les institutions du Parlement et du gouvernement du Canada ou pour en recevoir les services. Il ne fait donc aucun doute que la Loi sur les langues officielles est une mesure législative prise dans le but de répondre à l’obligation constitutionnelle en matière de bilinguisme. »
Lavigne c. Canada (Commissariat aux langues officielles), [2002] 2 RCS 773 par. 21
LA CHARTE DE LA LANGUE FRANÇAISE
La Charte de la langue française a été adoptée par le gouvernement du Parti Québécois en 1977 afin de défendre la primauté de la langue française. Les dispositions de la Charte, mieux connue sous le nom de Loi 101, réglementent le gouvernement, le commerce, les affaires, l’éducation et la cour. L’admissibilité à l’enseignement en anglais est limitée aux enfants d’un parent qui a fréquenté une école primaire anglaise. La Charte impose aussi l’usage exclusif du français sur les pancartes et les enseignes extérieures. Les entreprises employant 100 personnes ou plus doivent instituer un comité de francisation.
Auparavant, en 1974, le gouvernement libéral avait adopté la Loi 22, la Loi sur la langue officielle. Elle faisait du français la langue officielle du Québec dans tous les secteurs d’activités de la province. Le droit de fréquenter les écoles primaires et secondaires anglaises était accordé seulement aux élèves capables de prouver, en passant des examens écrits, qu’ils avaient un niveau élevé en anglais.
La Charte a été contestée devant les tribunaux peu de temps après son adoption. Plusieurs amendements s’en sont suivis. Malgré ces modifications, des milliers de Québécois anglophones ne se sentaient plus les bienvenus et ils ont quitté la province. Le pourcentage de la population du Québec pour qui la langue première officielle était l’anglais a chuté passant de 16,5 % en 1971 à 13,4 % en 2011.
De nos jours, la communauté anglophone du Québec reconnait généralement le besoin de protéger la langue française. Cependant, le QCGN croit fortement qu’on peut obtenir une telle protection tout en respectant les institutions de la communauté anglophone, lesquelles desservent tous les Québécois en français et en anglais.
Cette approche est illustrée dans la Charte de la langue française par le fait qu’elle permet l’usage d’autres langues que le français dans nombre de circonstances, notamment pour des raisons de santé et de sécurité publiques. La Charte permet aussi à certaines municipalités, certaines commissions scolaires et certaines institutions de santé et de services sociaux de fournir des services en anglais et en d’autres langues.
Voir la liste des organismes reconnus offerte en français seulement
L’excès de zèle dans l’application de la Charte est au cœur de nos préoccupations passées, présentes et futures. Étant donné son rôle central dans la vie du Québec, la Charte doit être mise à jour occasionnellement. Le Québec anglophone se réjouit à l’idée de faire entendre sa voie de façon constructive à l’approche de cette mise à jour.
Du point de vue du Québec anglophone, une version mise à jour de la Charte de la langue française doit posséder les caractéristiques clés suivantes :
- permettre aux citoyens canadiens dont la langue maternelle est l’anglais d’envoyer leurs enfants à l’école anglaise;
- adopter une loi donnant un droit universel à tous les résidents du Québec de recevoir des cours de français gratuitement.
Le futur économique du Québec repose sur l’accueil et la rétention de nouveaux arrivants, ainsi que sur l’intégration de ces nouveaux arrivants dans une société où la langue publique est le français. Les Québécois anglophones et les arrivants allophones ne sont pas des « ennemis ». Nous sommes des compatriotes et des alliés. C’est dans cet état d’esprit que nous devrions aborder la réforme de la Charte de la langue française.
Le QCGN fait remarquer que ce sont les Québécois anglophones qui ont inventé l’immersion française et qui ont étendu cette innovation dans le reste du Canada. Les Québécois anglophones sont la cohorte anglophone la plus bilingue du Canada. Les jeunes Québécois anglophones réclament l’accès à un enseignement du français de meilleure qualité afin de mieux se préparer à travailler dans un milieu francophone. Les jeunes francophones sont à la recherche d’occasion d’apprendre et de travailler en anglais afin de pouvoir participer activement à l’économie mondiale pour le bénéfice de tous les Québécois.
Le processus de modification de la Charte de la langue française choisi sera de la plus haute importance. Les modifications de cette pierre angulaire légale du Québec moderne devront se dérouler seulement après une consultation vaste, ouverte et significative de tous les Québécois. Nous demandons au Ministre responsable de la Langue française de garantir une approche transparente et inclusive.
« L’Assemblée nationale entend poursuivre cet objectif [de protection de la langue française] dans un esprit de justice et d’ouverture, dans le respect des institutions de la communauté québécoise d’expression anglaise et celui des minorités ethniques, dont elle reconnaît l’apport précieux au développement du Québec. » Extrait de la Charte de la langue française.
NOUVELLES ET POINTS DE VUE LINGUISTIQUES
LIENS VERS DES LECTURES ET DES RESSOURCES SUPPLÉMENTAIRES
- COMMENTAIRE DE LA PRÉSIDENTE DU QCGN, MARLENE JENNINGS (en anglais)
- DÉCLARATION DU QCGN AU SUJET DE LA LANGUE FRANÇAISE (en anglais)
- COMMENTAIRE DU SÉNATEUR ANDRÉ PRATTE (en anglais)
- COMMENTAIRE DU SÉNATEUR SERGE JOYAL (en anglais)
- COMMENTAIRE DE LA POLITICOLOGUE STÉPHANIE CHOUINARD (en anglais)
- LANGUE DE TRAVAIL DANS LES ENTREPRISES PRIVÉES SOUS RÈGLEMENTATION FÉDÉRALE AU QUÉBEC QUI NE SONT PAS VISÉES PAR LA LOI SUR LES LANGUES OFFICIELLES
- LA LOI SUR LES LANGUES OFFICIELLES DU CANADA
- COMITÉ PERMANENT SUR L’ARCHIVE DES RAPPORTS DU SÉNAT SUR LES LANGUES OFFICIELLES
- COMITÉ PERMANENT SUR L’HISTOIRE DES TÉMOIGNAGES ET DES MÉMOIRES SUR LA MODERNISATION DES LANGUES OFFICIELLES
- MÉMOIRE DU COMMISSAIRE AUX LANGUES OFFICIELLES SUR LA MODERNISATION DES LANGUES OFFICIELLES
- FÉDÉRATION DES COMMUNAUTÉS FRANCOPHONES ET ACADIENNE DE LA CANADA’S MODERNIZATION OF OFFICIAL LANGUAGES PAGE
- LOIS SUR LES LANGUES DU CANADA ANNOTÉES—CONSTITUTIONELLES, FÉDÉRALES, PROVINCIALES ET TERRITORIALES
- CHARTRE DE LA LANGUE FRANÇAISE (LOI 101)
- RAPPORT SUR L’ÉVOLUTION DE LA SITUATION LINGUISTIQUE AU QUÉBEC
Afin d’offrir un regard plus approfondi sur la Loi sur les langues officielles, le QCGN a travaillé avec l’Association des études canadiennes (AEC) à la préparation d’un numéro spécial de la revue Canadian Identities intitulé Paysages en évolution – le Québec d’expression anglaise et la Loi sur les langues officielles. Nous avons également préparé un graphique sur Le Québec d’expression anglaise et la Loi sur les langues officielles. De plus, nous recommandons la lecture du numéro d’hiver 2019 de L’AEC qui porte sur les questions canadiennes dédiées aux langues officielles intitulé Dualité linguistique, de jure et de facto. Cliquez sur les images suivantes pour télécharger des copies de ces documents. Vous pouvez également obtenir des copies papier en communiquant avec Rita Legault, notre directrice des Communications au rita.legault@qcgn.ca.